Le S.E.D. : Aspect médical

Le syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie héréditaire du tissu conjonctif en 2017. Actualisation.

La maladie d’Ehlers-Danlos, a été décrite pour la première fois, à Moscou en 1891, par un dermatologue russe, Alexandre Nicolaiev Tschernogobow, à propos de deux cas. C’est sous le nom de ce premier descripteur que les Russes dénomment cette maladie. Un autre Dermatologue, Edvard Lauritz Ehlers, communique un autre cas, le 15 décembre 1900, à Copenhague. Quant au troisième dermatologue associé à cette maladie, Alexandre Danlos, il fait une erreur de description en présentant, à la Société française de Dermatologie et de Syphiligraphie, en 1908 à Paris, le cas d’un patient atteint d’autre maladie du tissu conjonctif, le Pseudo Xanthome élastique. Ce premier avatar aura des conséquences très négatives sur l’identification du syndrome en mettant l’accent sur des caractéristiques de la peau qui n’a pas, le plus souvent, « l’élasticité extraordinaire » qu’il compare à celle « d’une mince lame de caoutchouc ». Ce préjugé séméiologique est fortement ancré dans l’esprit de bon nombre de médecins, qui écartent volontiers ce diagnostic si l’étirement de la peau du dos de la main n’est pas de plusieurs centimètres.

Ce ne sera pas le seul avatar qui viendra écarter cette maladie du diagnostic des médecins, contribuant à son errance (23 ans en moyenne) douloureuse et dangereuse (du fait de traitements inappropriés, iatrogènes) mais aussi coûteuse. Des médecins, en général et les rhumatologues, en particulier, en sont arrivés à considérer Ehlers-Danlos comme une « une maladie mineure, une maladie qui n’est pas « sérieuse », bref une maladie négligeable » (Pr.Rodney Grahame, rhumatologue, Londres).

Cette méconnaissance des signes du syndrome conduit alors, du fait surtout des douleurs, à d’autres orientations diagnostiques, plus connues en rhumatologie telles que spondylarthrite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde, Gougerot-Sjögren, arthrose. L’erreur la plus fréquente reste la fibromyalgie. Cette dernière est la conséquence du troisième avatar qu’a connu le syndrome d’Ehlers-Danlos : celui d’être décrit comme étant une fibromyalgie par un rhumatologue qui ne le connaissait pas et a voulu en faire une nouvelle entité. Le succès obtenu s’explique par le fait que le syndrome d’Ehlers-Danlos n’est pas rare mais, au contraire, fréquent. Actuellement, les signes utilisés pour établir le diagnostic de fibromyalgie sont un authentique copié/collé de ceux du syndrome d’Ehlers-Danlos. Là aussi, la mauvaise orientation diagnostique conduit à des attitudes préjudiciable aux patients : présomption de maladie psychosomatique (« c’est dans la tête ») avec, pour corollaires antidépresseurs et/ou morphiniques qui aggravent les symptômes du syndrome d’Ehlers-Danlos.

Le quatrième avatar est le fruit d’une évolution culturelle médicale tournée principalement vers la « preuve » diagnostique basée sur des tests biologiques aux détriments des arguments cliniques qui gardent, malgré les progrès indéniables de la biologie médicale, les signes cliniques, à condition de les connaître et de savoir les interpréter, gardent, bien évidemment, toute leur valeur.

Le fait que, dans cette maladie, à l’évidence héréditaire, il n’y a pas de test génétique utilisable avec certitude et facilement accessible à tout médecin voulant faire le diagnostic. Les mutations génétiques décrites concernent des formes rares et l’unanimité est faîte sur le plan international pour dire que la forme la plus commune qui représente la très grande majorité des cas rencontrés ne peuvent être identifiés génétiquement. Le mode de transmission de cette maladie héréditaire reste inexpliqué et s’écarte nettement du modèle mendélien traditionnel. Ce que nous observons dans les consultations est la transmission à tous les enfants des particularités du tissu conjonctif par un couple dont un des parents au moins a le syndrome. Les manifestations cliniques sont très variables, globalement moins sévères chez les garçons. Elles restent cependant imprévisibles et, même discrètes, elles sont toujours transmissibles. Ce manque du côté de la biologie est compensé par la possibilité d’obtenir un diagnostic de certitude par un examen clinique simple réalisable partout dans le Monde. Le fait de retrouver, dans la famille, d’autres cas est un argument en faveur de l’hérédité de la maladie qui a autant de valeur qu’un test génétique et le remplace. Cet « impérialisme biologique » en médecine s’est renforcé avec le développement d’un éclatement de l’approche de la pathologie du corps humain en divisant la pathologie par organes (cardio-vasculaire, respiratoire, locomoteur, digestif, peau etc.) dans laquelle l’imagerie moderne a une place prépondérante, alors qu’elle est souvent « muette » dans le Syndrome. Ceci aboutit à scinder la maladie d’Ehlers-Danlos en plusieurs « formes », ce qui, dans la réalité clinique quotidienne, n’apparaît pas. De plus, ceci peut aboutir à des méprises à risques. C’est ainsi que les anévrysmes artériels, les hémorragies, les fragilités tissulaires, peuvent se voir dans toutes formes de la maladie d’Ehlers-Danlos et pas seulement dans les formes appelées « vasculaires » et difficiles à reconnaître sur les critères actuellement mis en avant. Nous estimons qu’en fait, toutes les formes
d’Ehlers-Danlos sont vasculaires. Il en est de même pour une forme dite, curieusement « classique » dans laquelle la peau serait plus étirable. Au total, ce qui importe c’est de faire un diagnostic de maladie d’Ehlers-Danlos et d’en tirer les conséquences de prévention clinique (éviter les erreurs de diagnostic, dépister les complications potentielles) et génétique, thérapeutiques et sociales (exclusions scolaires, professionnelles, conjugales). Cette approche par la génétique a débouché sur des classifications très médiatisées. Elles ont commencé avec Beighton en 1969 avec 5 formes, puis 11 (Berlin), puis 6 (Villefranche) et, récemment (2017, New-York) 13 regroupe des symptômes en les rapprochant d’une mutation génétique du collagène. Elle est provisoire, oubliant beaucoup de symptômes relégués, avec une grand ambiguïté, au rang, de « comorbidités » et devant être révisée en 2018 par les généticiens en lien avec des associations de patients.

Un aspect, en grande partie méconnu par les descripteurs du syndrome d’Ehlers-Danlos, émerge actuellement, c’est l’expression de manifestations cognitives (mémoire, attention, concentration, orientation) et des troubles du comportements évoquant l’autisme et la maladie d’Asperger. Les premières interfèrent avec les diagnostics de « dys » (lexie, orthographie, praxie). les deuxièmes posent un problème nosologique et de physiopathologie très important à la fois pour la compréhension de ce que recouvre ‘le spectre autistique » et pour celle du Syndrome d’Ehlers-Danlos. Les troubles de la proprioception qui sont à l’origine de la symptomatologie du syndrome d’Ehlers-Danlos apparaissant comme un objectif thérapeutique dans les deux pathologies qui peuvent être intriquées.

Les arguments diagnostiques

Ils reposent sur un faisceau de manifestations cliniques qui, regroupées permettent d’asseoir le diagnostic sur des bases méthodologiques sérieuses à partir d’un modèle mathématique récemment mis au point et présenté à l’Académie nationale de Médecine le 29 février 2017.

En application de ce modèle : la présence de 5 parmi les 9 signes proposés permet d’identifier le syndrome. La présence d’autres cas familiaux permet d’affirmer son caractère héréditaire.

Douleurs de localisations multiples, fatigue très importante, troubles proprioceptifs du contrôle de la motricité, instabilité articulaire, peau fine, transparente, ne protégeant pas contre l’électrostatisme, hypermobilité articulaire, rétractions des muscles fléchisseurs des genoux chez l’enfant, troubles vasomoteurs des extrémités avec pieds froids, hémorragies cutanées (ecchymoses), hyperacousie, constipation, reflux gastro osophagiens.

Beaucoup d’autres manifestations sont liées au syndrome doivent être identifiées et bénéficier d’une prises en charge, notamment dans les A.L.D. : troubles du sommeil, dystonie, fragilité cutanée (troubles de cicatrisation, vergetures), étirabilité cutanée excessive, dysautonomie (palpitations, sueurs, frilosité, fièvres inexpliquées), tendance hémorragique diffuse (gingivale, génitale), manifestations respiratoires (blocages, essoufflements), hypersensorialités (cutanée, olfactive, vestibulaire), troubles de la vision binoculaire, altérations bucco-dentaires, troubles vésico-sphinctériens, dyspareunie, accidents obstétricaux, troubles cognitifs (mémoire, attention, concentration, orientation), affectivité, comportement (anxiété, émotivité, spectre autistique), manifestations évocatrices d’un syndrome d’activation mastocytaire ou SAMA (urticaire superficielle et profonde, flush, exanthème non spécifique particulièrement après une douche, prurits).

Le diagnostic établi, un certains nombre de précautions sont à prendre dans ce syndrome de « fragilité tissulaire » et des traitements des principaux symptômes pourront être mis en oeuvre basés sur la proprioception et le traitement du déficit tissulaire d’apport en oxygène.

Septembre 2017
Equipe médicale de la consultation Ehlers-Danlos. Centre de diagnostic ELLAsanté